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Démarche de conception participative par et pour les personnes en situation de handicap au sein du FabLab EirLab

OpenHandicap du LaBRI et le FabLab Eirlab expérimentent depuis peu de temps une approche pour aider les personnes en situation d’handicap à utiliser le FabLab afin de concevoir et produire des objets qui leurs sont utiles.

Dans ce document nous présentons tout d’abord cette démarche, puis nous décrivons son application concrète dans 4 projets en cours:

  • le projet trackball pédestre ;
  • le projet instrument de musique ;
  • le projet avec les étudiants de l’IEM ;
  • celui avec les adhérents de l’association AVC AIT Carpe Diem.

La démarche :

Cette approche s’adresse à des personnes en situation d’handicap qui souhaitent réaliser des objets, au sein d’un FabLab, adaptés à leurs besoins particuliers.

Elle se déroule, au FabLab, aux travers de plusieurs ateliers qui sont structurés à l’aide des 8 étapes suivantes :

  1. Rencontrer la personne et découvrir les outils du FabLab :
    Dans cette étape, les chercheurs et bénévoles du FabLab rencontrent les personnes volontaires, lui présentent le FabLab, son environnement et ses outils à travers de différents tutoriels et accompagnements personnalisés.
    A l’issue de cette étape la personne réalise des objets simples, comme des boîtes de rangement, des figurines, …
  2. Identifier ce qui peut être réalisé avec les outils du FabLab :
    En fin d’atelier, une discussion est engagée pour réfléchir aux objets qui peuvent être réalisés au sein du FabLab. Les objets ne répondent pas forcément à un besoin spécifique liée au handicap de la personne. Le but de cette démarche est d’initier un processus de création et de réalisation qui aide à concevoir les objets nécessaires à résoudre une problématique liée au handicap de la personne.
  3. Définir les besoins fonctionnels réels de la personne vis-à-vis de son handicap :
    Après plusieurs ateliers, plusieurs réalisations et des échanges personnalisés, une réflexion approfondie est menée pour comprendre et commencer à résoudre la problématique ciblée au handicap de la personne.
  4. Réaliser des preuves de concepts simples :
    Des preuves de concepts sont réalisées pour :
    1. vérifier qu’il n’y a pas de quiproquo sur les fonctionnalités de l’outil à réaliser ;
    2. affiner les solutions à apporter ou à chercher.
  5. Réaliser un cahier des besoins fonctionnels détaillés et un planning de conception/production :
    Une fois la preuve de concept validée, on rédige un cahier des besoins fonctionnels détaillés et réalisables.
    Puis, on définit un calendrier pour réaliser un produit plus aboutit.
  6. Construire le prototype :
    On réalise des versions du prototypes vérifiant les besoins fonctionnels du 5).
  7. Tester et Valider les prototypes :
    On teste l’objet dans différents contextes et on valide son fonctionnement à l’aide des retours utilisateurs.
    A l’issue de ces tests, on réitère le travail à partir de l’étape 5).
  8. Publier et faire la promotion du prototype :
    On publie la version stable et robuste, en licence libre, avec sa documentation.
    On présente le prototype à différents acteurs associatifs et professionnels.

Selon les personnes et leurs souhaits, les étapes 5) et 6) sont réalisées conjointement ou non avec le FabLab, les chercheurs et/ou les professionnels.

Les projets en cours de réalisation

Le projet « trackball pédestre »

Le projet trackball pédestre est réalisé par deux membres d’OpenHandicap, à savoir Adrien Boussicault et Pierre Lacroix qui sont respectivement enseignant-chercheur pour le premier et ingénieur en informatique pour le second. Pierre Lacroix est infirme moteur cérébral, il a notamment des difficultés à synchroniser ses membres supérieurs. Pour lui, utiliser la souris d’un ordinateur est compliqué et fatiguant. Dans ce projet, il est à la fois utilisateur et concepteur. Il cherche à trouver des solutions pour pallier à ses difficultés motrices.

Dans ce projet, les étapes 1) et 2) n’ont pas été réalisés, car les intéressés se connaissent depuis longtemps et sont utilisateurs assidus du fablab.

A l’étape 3) de la démarche, ils ont défini les besoins fonctionnels réels de Pierre :

  • déplacer le pointeur d’un ordinateur à l’aide des pieds (l’utilisation des mains étant très compliquée et fastidieuse) ;
  • utiliser ses pieds pour pouvoir jouer d’un instrument de musique ;
  • manipuler des aliments ou des objets à l’aide d’un bras robotique à partir des pieds.

Comme prévu à l’étape 4), une preuve de concept a été réalisée par Manuel Guevara Garban
dans le cadre d’un stage étudiant au FabLab.

Les deux images suivantes montrent la preuve de concept réalisé.


Il s’agit d’une trackball géant pédestre. Ce dispositif consiste à faire tourner une boule de bowling sur un support en bois, avec le pied, puis à retranscrire le déplacement de la boule au pointeur de l’ordinateur, en corrélant le capteur d’une souris d’ordinateur à la boule.
A l’issu de se prototype, les auteurs ont eut l’idée d’utiliser le trackball pour faire un instrument de musique, mais aussi un dispositif pour manipuler un bras articulé.
Évidement, il faudra ajouter des éléments électroniques au dispositif mécanique.

Les programmes et schémas électroniques sont disponibles sur le serveur git suivant : https://gitub.u-bordeaux.fr/openhandicap/trackball.

La preuve de concept ayant été encourageante, comme prévu à l’étape 5), une feuille détaillée des besoins fonctionnels a été écrite.

Grâce au financement du LaBRI, la réalisation du prototype (étape 6) a été faite, par Adrien et Pierre, pendant 2 mois. Les images suivantes montrent l’évolution des différentes versions de la plus vielle à la plus récente :

En plus de ces trois versions du trackball, la conception de 3 nouveaux concepts de pointeurs ont émergé. Les deux photos suivantes montrent le plus fonctionnel des trois.

Il s’agit d’une planche avec quatres roulettes qui fait office de souris pour les pieds. Un bouton situé sur en dessous du talon permet de simuler le soulevement de la souris.

Les tests et validations (étape 7) ont été réalisés par Pierre. Le résultats de ces tests (qui sont un document de travail) sont consultables dans le fichier suivant :

En l’état du projet, la publication (étape 8) est en cours, car il est nécessaire de réaliser plusieurs améliorations.
Le prototype a été présenté au Groupement pour l’Insertion des Handicapés Physiques GIHP ainsi qu’à l’Institut d’Education Motrice (IEM).
Une version est cours de réalisation, afin de le mettre à disposition du showroom du GIHP.


Projet « Instruments de musique pour personne en situation de handicap »

Le SCRIME nous a contacté pour tester un prototype expérimental d’instruments de musique qui se joue avec les pieds. Cette demande coïncide avec notre volonté de transformer à l’étape 3, notre trackball en instrument de musique. Cette discussion nous a amené à prendre conscience, qu’il est possible de dissocier l’exécution technique et mécanique de la partition musicale de celle son interprétation.
Cette problématique est un des domaines de recherche du SCRIME à travers le méta-piano ou le Midifile-performer. Plus précisément, dans la pratique musicale, il y a, d’une part, un support statique qui correspond à la partition, contenant entre autres notes et rythmes et, d’autre part, il y a l’interprétation de cette partition qui révèle l’expression que veut donner le musicien. Ainsi, une partition jouée par un ordinateur s’avère sans expression et peu intéressante. Le même morceau, joué avec des rythmes légèrement inégaux, avec des notes jouées différemment : notes poussées, piquées, liées, déliées, détachées, appuyées, arrachées, apportera l’expressivité souhaitée. L’idée originale des deux premiers auteurs a donc évolué et rejoint maintenant les problématiques de recherche du SCRIME. Ces besoins consistent maintenant à :

  1. produire un outil pour retranscrire l’exécution adaptative d’une partition. Il s’agira ici d’un outil de production de Musique Assistée par Ordinateur dédié aux Personnnes en Situation de Handicap ;
  2. concevoir un instrument de musique manipulable avec les pieds, de sorte à
    • se coupler avec l’outil décrit en 1) pour jouer automatiquement les notes, une part une, sans âme, évacuant toute difficulté techniques liées aux instruments de musiques classiques;
    • proposer une interface aux pieds simplifiée, pour interpréter le morceau en controlant, en temps et en volume, le défilement de la partition, afin de lui rendre/donner une âme.

Actuellement, les prototypes du SCRIME nous fournit les premières preuves de concept de cet instrument.


Interactions avec les adhérents de l’association AVC AIT Carpe Diem :

Pour l’association AVC AIT Carpe Diem, après une première rencontre avec la présidente de l’association,
il a été convenu que nous travaillerons, dans en premier temps, avec elle uniquement afin
d’adapter au mieux la démarche aux besoins des adhérents de l’association.

Cathy Schwartz, la présidente de l’association a subi, il y a sept ans, un AVC ischémique qui lui a réduit son champ visuel.

Actuellement, nous sommes à l’étape 1 et 2 du processus.
Pendant les premières discussions, en testant le fonctionnement de la découpeuse laser, nous avons réfléchi à plusieurs solutions concernant les problématiques suivantes :

  1. comment éviter la surchauffe de l’ordinateur portable de la présidente ;
  2. faire une copie de son « porte-clef, stylo, porteur de téléphone ». Cet objet n’est plus disponible sur le marché et est pratique au quotidien pour les personnes hémiplégiques droite ou gauche. En effet, le téléphone est maintenu seul sur un plan ou une table. Avec la main valide la personne peut alors, à l’aide d’un stylet, changer les pages du document qu’il est en train de lire;
  3. trouver une solution pour les hémiplégiques qui ont du mal à remonter une fermeture éclair et la bloquer pour éviter de redescendre ;
  4. trouver une solution pour aider l’utilisateur à utiliser ses deux champs visuels. Comme indiqué dans la démarche, ces problématiques ne concernent pas forcément le handicap de l’utilisatrice.

Dans les 4 cas, nous avons trouvé des solutions techniques. Les voici :

  1. La surchauffe du PC a été supprimé en surélevant le portable à l’aide de plots anti-vibrations en plastique. Cette solution simple semble, de manière fortuite, avoir aussi contribuer à résoudre ses problèmes de douleurs au poignée. Cette solution doit être cependant améliorée pour assurer une fixation plus solide des plots.
  2. Une solution du porte-clef, réalisée à l’imprimante 3D, sera testée lors du prochain atelier ;
  3. Une solution sur papier, a été proposée en utilisant un élastique et un bouton ;
  4. Une solution électronique va être développée et testée très prochainement pour preuve de concept : on positionne deux leds, à gauche et à droite de l’écran, de sorte à ce que l’oeil gauche (resp. droit) ne voit pas la led droite (resp. gauche). L’utilisateur joue ensuite à son vidéo préféré. Ensuite, le clavier et la souris sont désactivées aléatoirement dans le temps quand la led gauche (resp. droite) est allumée alors que l’utilisateur n’appuie pas sur le bouton gauche (resp. droit). En procédant ainsi, on espère que l’utilisateur sera obligé à utiliser les deux hémisphères de son cerveau.

Ici, nous voyons que la démarche rejoint celle des laboratoires vivants (Living Lab) où la discussion entre différents acteurs favorisent l’émergence de nouvelles idées et de solutions concrètes.


Interaction avec les étudiants de l’IEM :

Pour l’IEM, nous commençons tout juste à mettre en place et les échanges et la démarche présentée précédemment.
La première rencontre commencera le 29 Mars 2022 où le FabLab accueillera 8 étudiants accompagnés de 2 ergothérapeutes.